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“ Ils étaient pas tous mauvais, les types de ma mère, faut pas
croire. Quand on habitait Halifax, il y avait ce mec qui s’appelait
Luke et qui vivait chez nous le week-end parce que la semaine il
bossait avec son frère jumeau sur des pipe-lines de pétrole. Le
dimanche, il faisait cuire des steaks et il m’emmenait voir les
gerbilles au supermarché à la sortie de la ville. Il était gentil Luke
mais son frère a dit un jour à ma mère que le travail sur les
pipe-lines et la vie de famille c’est pas compatible. Tu fais ça
pour l’argent, c’est tout. Luke est parti un matin et ma mère a
dit en pleurant dans la casserole de bacon : « Bon débarras, l’avait
une petite queue, de toute façon, Luke. »
Ensuite il y a eu Rick, puis Martin qui avait un labrador mais
on n’avait pas le droit de jouer avec, et il y a eu David. Lui aussi
quand il est parti ma mère a sangloté et ri puis sangloté encore,
tout ça à la fois, parce que l’amour, qu’elle dit, l’amour ça se vit
un pied dans la joie et un pied dans la douleur.
À l’heure où je raconte cette histoire, le nouveau mec de ma
mère s’appelle Raymond. Raymond et sa paire de lunettes fumées.
Raymond qui porte une chemise et des boots de cow-boy.
Raymond qui a trouvé Dieu un soir de picole au bord d’une
route nationale.”…